Les entreprises les plus polluantes de la planète ont largement infiltré le milieu du sport professionnel, usant de leur puissance financière pour apparaître au premier plan en terme de sponsoring et de partenariats à but publicitaire, afin de se donner une meilleure image auprès du grand public. Cette pratique, appelée le « sportwashing », est mise en lumière par une étude récente et doit amener à une vraie réflexion sur la lutte à mener à ce sujet dans les années à venir.
Dérivé du « greenwashing », ce procédé marketing utilisé par une organisation (entreprise, administration publique nationale ou territoriale) dans le but de se donner une image de responsabilité écologique trompeuse, le « sportwashing » a pris une ampleur colossale ces trente dernières années.
Le principe est le même, repris à l'échelle du monde du sport professionnel par les organismes les plus pollueurs de la planète, qui se servent alors d'un événement sportif, d'une équipe sportive, ou du sport de façon générale, pour « laver » leur image grâce au sponsoring et divers partenariats publicitaires.
Des partenariats « toxiques » chiffrés en milliards
Une étude récemment réalisée par le think tank « New Weather Institute », en collaboration avec la « fondation KR » et les organisations environnementales « Possible » et « Rapid Transition Alliance » a mis en lumière les dérives de cette pratique paradoxale.
« Des industries très polluantes sponsorisent le sport pour apparaître comme des amis d'une activité saine, alors qu'en réalité elles injectent une pollution mortelle dans l'air que les athlètes doivent respirer, et détruisent le climat dont dépend le sport », a résumé Andrew Simms, codirecteur du « New Weather Institute » dans The Guardian. « Le sport est en première ligne de l'urgence climatique mais flotte sur une mer de contrats de sponsoring avec les principaux pollueurs. Il aggrave la crise en normalisant les modes de vie polluants et à forte teneur en carbone et en agissant contre la pression en faveur de l'action climatique ».
L'étude a ainsi recensé plus de 250 partenariats impliquant des équipes, équipements ou événements sportifs professionnels issus de treize sports différents avec des sociétés pétrolières, gazières, des constructeurs aériens ou automobiles, ce dernier secteur représentant 199 des contrats répertoriés pour un montant global de 1 086 milliard d'euros.
L'étude a également pris l'exemple du géant Gazprom, entreprise d'état russe et plus gros fournisseur de gaz dans le monde, pour qui l'investissement dans le milieu du sport professionnel s'est également chiffré en milliards ces dix dernières années.
Un nouvel écosystème à imaginer
Pour lutter contre le « sportwashing » et sensibiliser le monde du sport professionnel à l'importance de l'objectif zéro carbone, l'étude a délivré sept recommandations claires à plus ou moins long terme. Voici les cinq premières :
● Passer positivement au crible les entreprises sponsors et refuser celles de la part d'entreprises faisant la promotion des modes de vie clairement à forte teneur en carbone, produits et services, en particulier automobiles, des compagnies aériennes et des industries des combustibles fossiles.
● Signer le mouvement en faveur de l'action climatique dans le sport des des Nations unies, et, dans l'année qui suit la signature, élaborer et publier un plan décennal complet pour garantir que leurs propres opérations et celles de leur sport (y compris les déplacements des spectateurs) déplacements des spectateurs) soient zéro carbone d'ici 2030.
● Fixez des objectifs annuels clairs et des étapes sur la manière de les atteindre.. Les présidents et les directeurs généraux doivent assumer personnellement la responsabilité de leur réalisation. Pour garantir un suivi et un compte rendu appropriés de ces objectifs, ils doivent être examinés par un organisme entièrement indépendant.
● Après 2030, tout événement ou tournée sportive mondiale qui n'est pas zéro carbone devraient être annulés ou reportés jusqu'à ce qu'ils le soient. Les fédérations sportives qui ne sont pas zéro carbone devraient être exclues des Jeux Olympiques. Les fédérations nationales qui n'ont pas suffisamment progressé en matière de réduction de carbone pourraient être exclues des compétitions internationales par leurs fédérations sportives.
● Le sport mondial doit activement réduire sa dépendance aux voyages aériens. Une partie de la solution consiste à organiser moins de tournois et de compétitions, et pour les organisations sportives de s'engager à compenser les dommages résultant de leurs émissions, en particulier pour les communautés les plus vulnérables lésées par des conditions climatiques de plus en plus extrêmes.
Comment compenser le manque à gagner sur le plan financier qui pourrait impacter le monde du sport et du divertissement sportif professionnel ? C'est tout un écosystème qu'il faut envisager différemment sur les vingt prochaines années, comme le préconise l'étude, peut-être avec moins de compétitions internationales, moins de longs déplacements...
Une question de conviction et d'exemplarité
En France, la loi Evin qui a notamment interdit les publicités et le sponsoring de marque d'alcool et de cigarettes autour des événements sportifs, a démontré qu'un autre modèle était possible, sans pour autant déstabiliser une économie davantage fragilisée depuis la pandémie de Covid-19.
Des alternatives de sponsoring plus saines, moins polluantes, seront toujours possibles. Comme l'a rappelé Andrew Simms, ce sera au monde du sport de prendre cette problématique à bras le corps pour participer à un combat mondial, en utilisant son aura pour montrer l'exemple.
« Les grands pollueurs devraient être arrêtés pour la même raison que le sponsoring du tabac a pris fin : pour la santé des gens, des sports et de la planète. Le sport a changé la donne en sensibilisant l'opinion publique et en faisant évoluer rapidement les opinions et les politiques sur des questions essentielles allant de la pauvreté des enfants au racisme, et pourrait maintenant en faire de même pour le changement climatique », a-t-il conclu.
